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Petit manuel pour les chanteurs

Par Jan Simons

Publié à l’origine dans l’édition du printemps 2001 du Musicien Amateur. 

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Avant d’aborder ce sujet, je voudrais signaler le fait qu’il est impossible d’enseigner le chant dans un article ou un livre; Il faut un professeur — sinon, nous serions tous au chômage!

Chanter est à 90% une action physique. Cela exige donc un état de bien-être physique. C’est primordial, comme d’ailleurs tout ce que je vais dire dans cet article. Une bonne posture améliorera non seulement votre chant, mais aussi votre façon de vivre, et devrait donc toujours faire partie de votre quotidien, pas seulement quand vous chantez. Une bonne posture rendra forcément votre instrument vocal plus efficace; vous pourriez même découvrir que cela agrandit votre tessiture. Il est beaucoup plus facile de chanter debout; si vous faites partie d’une chorale, persuadez donc votre chef de vous faire chanter debout au moins pendant une partie de la répétition.

 

Que faire pour améliorer sa posture?

Commencez par laisser le sol absorber le poids de votre corps. Ceci peut paraître bizarre, mais aidera à détendre vos chevilles, vos orteils et vos genoux. Les muscles inférieurs de votre abdomen servent de support à votre colonne vertébrale, et devraient donc être fermes. N’utilisez pas vos hanches pour soutenir votre cage thoracique. Il devrait y avoir autant d’espace que possible entre vos hanches et votre cage thoracique, espace généralement connu sous le nom de ‘taille’. Il faut aussi se garder de soulever et d’ouvrir votre cage thoracique avec votre respiration. Si vous créez un espace entre vos hanches et vos côtes inférieures, votre cage thoracique sera ouverte, favorisera une meilleure inspiration, sans que vos côtes interfèrent. Concentrez-vous sur l’expiration plutôt que sur l’inspiration. Cela vous aidera de penser à inspirer parce que vous venez de chanter, plutôt que de penser à inspirer pour pouvoir chanter. Quand vous expirez, les côtes inférieures deviennent actives et flexibles, de l’intérieur vers l’extérieur et de bas en haut. Il est important que votre posture ne change jamais. Vous pourrez ainsi inspirer rapidement et efficacement.

Les points focaux : il faut bien se rendre compte que ce sont des images mentales, et qu’on ne doit pas essayer d’y pousser la voix. On a tendance à trop utiliser le point focal du ‘masque’ et d’y pousser la voix. Le masque n’est que l’un des six points focaux utilisés pour libérer la voix. Le masque est très utile pour passer sans effort de la voix de tête (haute) à la voix de poitrine (basse), pour éviter une coupure entre ces deux voix. On a généralement tendance à vocaliser des notes basses vers les notes hautes, ce qui pousse la voix de poitrine aussi haut que possible, au lieu d’abaisser la voix de tête. J’insiste donc pour vocaliser de haut en bas, amenant la voix de tête aussi bas que possible. Bien sûr, cela varie selon les voix, mais en général c’est ainsi que je procède, insistant sur le changement en descente, et pensant plus haut pour chaque note successive, ayant finalement l’impression que la note la plus basse est plus haute que celle du début. Vous pourriez aussi vous rappeler que les intervalles sont plus petits en allant de haut en bas qu’à l’inverse, surtout les demi-tons. Je considère comme très important le nœud supersternal qui est pourtant le plus négligé Ce point focal est d’une extrême importance puisqu’il maintient le larynx en place, particulièrement au milieu de la tessiture, ce que l’on appelle la voix mixte. Ce point focal aide à garder la voix dans le corps et donne ainsi aux notes hautes plus de liberté et d’espace. Pour utiliser ce point focal efficacement, il faut en général ouvrir la bouche dans la position nord-sud plutôt qu’est-ouest. Cela aide les étudiants d’imaginer que l’air sort par le nœud supersternal, et ce point focal donne aussi une plus grande flexibilité.

La nuque est aussi un point focal négligé: Dans les passages aîgues et fortes, elle donne une sensation d’espace et aide à réduire la tension du cou, fréquente chez beaucoup d’entre nous. La détente mentale dirigée vers cet endroit, et son maintien, donne au chanteur une impression de libération. Je pense aussi que dans toute la tessiture il vaut mieux utiliser ce point focal pour la voyelle ‘i’ comme dans ‘vive’, plutôt que d’allonger ou de modifier cette voyelle. Ce point est vraiment la liaison entre les registres des voix de tête et de poitrine, et il aide la transition de l’une à l’autre.

Il est toujours dangereux de donner des exercices par écrit sans les illustrer, car on peut facilement être mal compris. Je vous suggère donc de venir à l’un de nos Centres Musicaux cet été; Vous découvrirez que votre instrument vocal est bien meilleur que vous ne le pensiez. Je suis convaincu que nous avons tous de bonnes voix, et que nous pouvons tous apprendre à bien chanter avec le matériel que nous possédons. J’ai entendu bien des gens dire: «Je ne peux pas chanter, je n’ai pas de voix.» Cette attitude provoque un abandon des muscles nécessaires pour chanter, et donc leur atrophie. Bien des CAMMACois qui ont suivi les cours de technique vocale y ont découvert leur voix, ce qui a beaucoup enrichi leur qualité de vie. Rien n’est plus thérapeutique que le chant, car cela utilise l’être tout entier. Chantez; donc, quoi que vous pensiez de votre voix, quelque âgé que vous soyez, puisque rien n’est perdu de ce que l’on n’abandonne pas.

Musicien et chanteur de renommée, professeur adoré et pilier de CAMMAC… Jan Simons était un personnage exceptionnel, au dire de tous. Vous pouvez en savoir plus sur Jan, et lire de nombreuses histoires de CAMMAC dans l’édition commémorative 2006 de The Amateur Musician, publiée en son honneur.